figure d’interactivité. D’abord repéré dans le CD-Rom de la Biennale de Lyon, on trouve cette figure également dans les jeux d’aventure tels que Doom et dans les environnements de réalité virtuelle. C’est plutôt une affaire de son, bien qu’elle pourrait aussi bien marcher pour l’image (voire illustration). Par la logique des cercles concentriques, l’interacteur entend le son monter au fur et à mesure de son approche, et descendre au fur et à mesure de son éloignement. Cette proximité permet alors d’introduire la notion de la présence de l’interacteur dans la scène et lui propose un point de vue qui a une conséquence sur le monde virtuel. Sa présence pourrait être entourée elle aussi de cercles concentriques rayonnants qui croiseraient ceux des autres objets sur cette scène. La proximité emprunte sa logique du monde analogique ou quantitatif, dans lequel les intensités peuvent déborder de leurs cadres et influencer la présence d’autres intensités. Bien que ce procédé hérite des logiques de la précision (on doit être dans un endroit précis pour affecter ce qui nous entoure), elle introduit néanmoins la notion d’une résolution à cette précision, où l’objet de proximité devient plus ou moins flou par rapport à notre distance gestuelle, spatiale, ou conceptuelle. Il y a une distorsion ambiante due à l’atmosphère qui rend la scène tactile. La proximité permet de tâtonner la scène ou l’espace, de les parcourir dans toute leur densité, mais également de faire une mise en scène de l’espace puisque les objets et les événements peuvent se cacher et donc se dévoiler au fur et à mesure que nous naviguons dans ce brouillard qu’est la scène.
cf. approche, carte, décalage, échelle, relation, réflexion
illustration :
CD-Rom de la Biennale de Lyon, laboratoire d’esthétique de l’interactivité (Université de Paris 8), Réunion des musées nationaux, 1995. Dans l’espace réservé à l’exposition des oeuvres, l’interacteur passe d’image en image. A part les petites vignettes annonçant les oeuvres, et un seul commentaire bref sur l’artiste venant d’un critique, il n’existe pas de légendes d’explication des oeuvres à proprement parler mais des vidéos et des séquences interactives que servent d’argument, de contextualisation ou de mise en scène de l’oeuvre. Dans cet espace qui reconstitue la figure de « l’exposition » en tant que telle mais de manière virtuelle ou abstraite, l’utilisateur doit littéralement découvrir les oeuvres. Dans ce contexte, l’espace de l’image devient un paysage sur lequel le spectateur se promène. La figure de proximité sert à donner du sens à cette figure de visite, car elle permet soit de visualiser les images en entier, soit de « découvrir » à l’intérieur les séquences d’interaction qui simplifient et complexifient l’image.
illustration :
Doom, ID Software, 1993. Doom utilise dans plusieurs contexte la figure de proximité pour construire une véritable mise en scène de la balade ou du parcours. Mais contrairement au CD-Rom de la Biennale de Lyon qui invente un nouveau paysage abstrait d’interactions, toutes les figures d’interactivité — et donc celle de la proximité — viennent de figures hérités de notre perception de la vie quotidienne. Dans ce jeu violent, l’action n’est pas focalisée dans un seul événement, mais dans de multiples événements contemporains : un monstre peut lancer des flammes dans une direction alors qu’une porte s’ouvre dans une autre ou qu’une machine s’agite dans une autre encore. La figure de proximité donne une orientation pour toutes ces actions et interactions, permettant à l’interacteur d’entendre la distance qui le sépare des divers événements et de les répertorier extrêmement vite par rapport à l’urgence : si j’entends grogner un monstre très près de moi, je sais que je devrais m’occuper de lui avant d’aller chercher l’origine de ce son machinique ou bizarre qui s’actionne quelque part dans les alentours. L’autre figure de proximité dans Doom concerne l’usage des ténèbres pour percevoir l’espace de représentation du jeu. Cette dernière figure décrit également le mouvement de la carte par lequel je ne vois sur la carte que les endroits que j’ai déjà visités, ainsi que les parties que j’ai pu apercevoir avec mes yeux. La proximité est traduite ici en termes de visibilité, ce qui, ironiquement, présuppose une annulation des nuances que l’on peut ressentir dans la proximité.
illustration : Figures d’interactivité, Douglas Edric Stanley. Profitant de la figure toute faite d’une lampe de poche qui entoure l’image de l’interacteur, cet exemple montre la façon dont la présence figurative d’un élément graphique peut « allumer » d’autres éléments qui l’entourent par sa proximité. Introduction également d’une nuance dans l’affichage, qui permet de saisir les intensités de ce rayonnement.