Lexicon / intercourse

Douglas Edric Stanley

1997.10.16

L’interactivité est souvent définie comme une conversation humain-ordinateur. Cette conversation prend comme point de départ l’idée d’une communication homme-machine. Même la définition approfondie d’Andy Lippman, qui parle d’une « activité réciproque et simultanée de la part de deux participants, travaillant ensemble la plupart du temps vers un but, mais pas nécessairement » (“mutual and simultaneous activity on the part of both participants, usually working toward some goal, but not necessarily” Stuart Brand, The Media Lab, Inventing the future at MIT, Viking, New York, 1987, p.45-50), base ce concept d’activité sur le modèle d’une conversation. Mais avant la conversation, et surtout avant la communication, il y a une configuration qui les met en scène, c’est-à-dire un dispositif qui met en relation les participants. L’interactivité consiste à rendre cette relation effective et à brouiller la distinction entre simulation et action. Pour s’approcher de plus près de l’interactivité, il faudrait remplacer conversation et communication par « intercourse ». Ce mot nous permettrait une ambiguïté essentielle. « Intercourse », en anglais, implique aussi bien des relations de communication et d’échanges, que des rapports sexuels. Il permet de parler d’une relation plus forte au niveau de l’implication des gestes qu’une émission-réception semi-passive. Dans l’intercourse, chaque geste devient effectif et contemporain. Il crée un temps actuel d’implication, même si je ne suis pas en train d’interagir à tout moment en tant qu’utilisateur (cf. fréquence). Si nous voulons une interactivité plus proche de l’immersion comme le disent beaucoup d’artistes et amateurs de la réalité virtuelle, il faudrait alors construire une interactivité dans laquelle l’inter-acteur doive se demander à tout instant : « est-ce que ce geste aurait des conséquences plus loin ? », « est-ce que ce que je vois maintenant est la conséquence de mon geste de tout à l’heure ? », etc. Pour comprendre donc l’intercourse humain-effort-processeur, nous avons besoin de regarder plus loin que le modèle conversationnel où l’on transmet des messages. Dans l’intercourse il y a une imbrication essentielle où l’invagination est généralisée des deux (ou trois) côtés de la relation. On est sur le terrain de l’autre et non pas dans la position rassurante d’un sujet autonome. La communication et la conversation nous proposent un modèle de relation sans interpénétration où chacun prend son tour, s’envoyant des messages, même si l’un peut interrompre l’autre. Mais dans l’intercourse, agent numéro un et agent numéro deux n’ont pas forcément quelque chose à se dire et se trouvent impliqués dans une inter-activité qui produit une activité inter-existentielle. Toute communication a lieu après-coup. En ce qui concerne cette imbrication, elle est parfaitement contre nature et dans un pur artifice : les êtres humains et les ordinateurs sont ontologiquement sans relation. Ils sont incompossibles. Cette relation est de l’ordre du supplément.

cf. relation, dispositif, configuration, piège, prothèse

bibliographie :