Une donnée acéphale est une information qui a perdu son contexte — son contexte d’origine, son contexte de destination, peu importe. Un email, un fichier, voire un morceau ou un « paquet » d’un tel fichier perdu dans la communication TCP/IP, pourrait éventuellement devenir des données acéphales. Mais nous réserverons ce terme surtout pour des machines qui découpent volontairement les données de leurs contextes, des machines dont la fonction première est la décontextualisation des données.
La nature même de l’informatique, sa structure discrète, démorcelé, peut d’un certain point de vue suggérer que toute donnée est une donnée acéphale ou une donnée potentiellement acéphale, et que ce n’est que par usage qu’elles se relient à leurs têtes, à leurs contextes. Mais un point de vue plus pragmatique, tiré justement des usages des données, suggèrerait de que les données sont peut-être vouées à de multiples usages, elles n’ont néanmoins dans la plupart des cas des contextes au moins inscrits dans la chaîne de leur usage. Autrement dit, les programmes ont tendance à bien gérer leurs données.
Un des gestes artistiques ouvrant à la logique d’une machine abstraite et permettant la création d’oeuvres insolites, pataphysiques, et innatendus, serait de chercher à décontextualiser ces données, de les rendre temporairement acéphale pour les relier à de nouveaux usages, pas initialement prévus lors de leur création (cf. Carnivore, How To Win Super Mario Bros, Noisy Nucleus).
Notre usage ici du terme de décontextualisation vis-à-vis la donnée acéphale ressemble d’assez près au concept de « déterritorialisation » inventé par Deleuze et Guattari (cf. « Qu’est-ce que la philosophie, p.66 » (