Yellowtail

2000.01.01

La machine Yellowtail exprime une des figures les plus reconaissables du travail de Golan Levin. Elle est à la fois simple, ludique, et fortement manipable en tant qu’objet interactif. Sur le plan technique, elle n’est ni plus ni moins qu’une extension du array. Historiquement, elle est la suite du snake mélangé avec un peu de Flying Letters. Mais Yellowtail est également sa propre bête, avec une astuce très simple qui lui permet de s’échapper au régime de l’objet uniquement réactif : au lieu d’enregistrer les mouvements du joueur et les rejouer à l’infini pour celui-ci, Yellowtail prend les données gestuelles de l’utilisateur et les utilisent comme patron pour construire de nouvelles formes, de nouveaux mouvements, de nouvelles animations automatiques. La combinaison de ces deux facteurs construit une forte jouabilité de la machine qui, quand elle est combinée avec le transcodage des variables internes des bêtes en des ondes sonores, bascule l’ensemble très littéralement dans ce que nous définissons comme instrument.

Yellowtail commence avec l’array. Le joueur clique sur sa souris et la déplace. Tant qu’il reste appuyé sur le bouton, chacun des vecteurs de son déplacement est enregistré dans un array qui devient une sorte de bande magnétique de tous les points du geste. Un dessin visuel est fait de tous ces points, permettant au joueur de voir la progression de son enregistrement. Jusqu’ici, il s’agit d’un logiciel tout simple de dessin. Mais au relachement du bouton de la souris, le Yellowtail se met à changer l’ordre interne des valeurs dans l’array, enlèvant la première valeur du array et en la remplaçant après la dernière, puis la nouvelle première et replacé après cette nouvelle dernière, et encore et encore :

{{[1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8]
[2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 1]
[3, 4, 5, 6, 7, 8, 1, 2]
[4, 5, 6, 7, 8, 1, 2, 3]
}}

Et ainsi de suite, dans une lecture iterative de la même liste qui s’agrandit et se rapetit en même temps…

Les points visuels du dessin suivent la réorientation des valeurs internes du array. L’effet visuel est celui d’un verre de terre qui se balade sur la surface de l’écran, mais qui garde quelque chose de fondamental du geste premier, car les vecteurs de son déplacement sont entièrement déterminé par les vecteurs du joueur. Si on fait des gestes rapides et longues, avec des vecteurs importants entre chaque point du geste, le verre conséquent sera lui aussi rapide avec de longues lignes entre chaque point. Par contre, si on dessine qu’un ensemble court et rapide et uniquement avec 3 points par exemple, le resultat sur un déplacement très court et minimal de ces trois points.

Se rajoute ensuite la modulation d’une onde sonore, similare à des machines comme Sonic Wire Sculptor d’Amit Pitaru ou pratiquement l’ensemble du travail de Toshio Iwai. La mélange de ces deux aspects : la répétition du geste à travers la réorientation interne du array et le transcodage des points en une modulation sonore, transforme ce qui aurait pu être un simple jouet en un véritable instrument. Et comme toutes les machines annexes dont elle s’inspire et celles qui sont inspirées par elle, on ne manipule plus qu’un seul verre, mais une multitude, permettant de construire des empilements des gestes complexes qui ensuite peuvent générer des résonances complexes dans la lecture automatique mais pas autonome de la machine.

cf. array, microphone.