figure d’interactivité. Terme emprunté aux théories du Chaos, c’est une figure très puissante pour l’interactivité. Dans la modélisation d’un système quelconque, l’attracteur décrit les tendances à l’intérieur de ce système. Si je prends une balle de tennis et que je la lance du haut d’un bâtiment, je ne sais pas où la balle rebondira exactement, mais je sais néanmoins qu’il y a quelque chose que la tirera vers le bas et avec une force de gravitation que je peux spéculer d’avance. Entre le calcul hypothétique de cette force gravitationnelle et l’actuel placement de la balle par rapport à ce calcul, il y a un décalage, c’est-à-dire un facteur de « bruit » qui fait que la balle se trouvera quelque part sur le trajet dessiné par mon calcul sans que je puisse dire où exactement et à quel moment elle rebondira. Il y a une tendance de la balle, que je peux modéliser, mais il n’y a pas de « lois » strictes sur son mouvement. Le calcul d’attracteurs consiste à saisir les phénomènes dans un espace flou et en décalage permanent, et à chercher tout simplement à dessiner des points d’attractions liés à la vitesse, aux positionnements, aux températures, aux fréquences de vibrations, etc., des divers phénomènes que je veux étudier. L’attracteur agit à l’intérieur d’un phénomène, détermine ses tendances, sans que je puisse le situer à un point précis dans le phénomène. Mais sans que je puisse le situer au dehors non plus : l’attracteur est comme une sorte de moteur interne des phénomènes, mais un moteur chaotique qui agit sur le phénomène tout en étant « invisible » du point de vue de son expression. L’attracteur est toujours présupposé, il n’est pas visible en tant que tel, mais seulement par rapport aux trajets dessinés par les éléments qui le rendent visible par négation, comme un sombre précurseur. Ou, pour utiliser un autre terme de Deleuze, on pourrait dire que l’attracteur est une machine « virtuelle », qui agit sur un champ réel en actualisant des phénomènes avec telles ou telles tendances. Cette machine virtuelle de l’attracteur « actualise » les phénomènes, leur donne une consistance… Dans l’interactivité, on a tendance à vouloir créer des dispositifs qui agissent sur le mouvement directement. Dans un jeu, par exemple le premier jeu informatique Spacewar (cf. game over), mes gestes peuvent être reliés à un engin spatial qui répond fidèlement, c’est—à-dire à l’échelle 1:1, aux commandes que je lui transmets. Mais le génie de Spacewar, c’était d’introduire également une planète au milieu de la scène, ou une étoile qui avait une force gravitationnelle. Le placement de mon engin spatial était constamment attiré par cette étoile, aspiré vers elle. La beauté de cette figure pour l’interactivité, c’est qu’elle actualise sur la scène un mouvement de décalage essentiel entre interacteur et programme. Le programme tire l’engin vers lui, et l’interacteur tire l’engin dans le sens opposé. Les attracteurs sont intéressants pour l’interactivité, parce qu’ils donnent l’idée d’une approche humain-machine qui n’est pas basée sur celle de la maîtrise et qui n’est pas calculée d’avance de façon précise. Ni le programme, ni l’interacteur ne déterminent le résultat précis des interactions, il s’agit plutôt d’une négociation, ou d’un effort en commun entre les deux, sans adéquation parfaite. Une programmation des tendances, des efforts de l’interactivité, sans savoir d’avance comment cette interactivité sera actualisé…