Game Over

2005.01.01

Game Over est une série de films reconstruisant les algorithmes de célèbres jeux vidéos (Space Invaders et Pong) en utilisant des figurants à la place des pixels. L’action se déroule à l’intérieur d’une salle de cinéma : chaque siège représente un pixel de l’image; ils sont colorés par la présence ou l’absence des figurants et les t-shirts portés par ceux-ci. En bougeant les figurants en suivant les algorithmes de ces jeux, et en prenant une photo à chaque « état » du programme, on fini par simuler le fonctionnement du jeu.

Reymond, Space Invaders
Reymond, Pong

Comme il s’agit d’un film linéaire (construit image par image) et non pas d’une machine en fonctionnement cyclique, cette emulation ne s’est executée qu’une fois — devant la caméra. Ce que nous voyons par la suite est un enregistrement d’un algorithme, comme dans How To Win Super Mario Bros du Radical Software Group (cf. RSG). Cet enregistrement est une mise en action (cf. le mot « enaction » en anglais) beaucoup moins forte que d’autres « enactions » de Space Invaders, par exemple les « invasions » de l’artiste Invader qui actualise le jeu à même l’espace urbain et dans un fonctionnement potentiellement tout aussi cyclique que le jeu original.

Cette animation rappelle également le travail d’un jeune artiste avec qui nous avons beaucoup travaillé (cf. ENIAROF) sur le jeu vidéo comme matière prémière pour des réalisations plastiques : il s’agit d’Antonin Fourneau et son film Process (2003). Dans ce film, Fourneau se documente en train de construire laborieusement un jeu proche de Tetris d’Alexey Pazhitnov ou peut-être le jeu Klax d’Atari, en utilisant les cousins de son lit pour les sprites du jeu.

Fourneau, Process
Fourneau, Process

On pourrait également parler des expériences de John Maeda raccontés dans son livre Maeda@Media sous l’intitulé « The Human Powered Computer Experiment » (p.54-59) où lors d’un workshop il a construit avec ses étudiants un ordinateur parfaitement fonctionnel, mais en remplaçant les mécanismes électroniques et mécaniques par des personnes.

Dans la catérgorie d’œuvres aujourd’hui appellés « pervasive games », il faudrait éventuellement inclure toutes ces tentatives d’incorporer des jeux algorithmiques dans l’espace physique. Comme les « pervasive games », qui utilisent parfois des dispositifs algorithmiques réels, des projets comme Game Over et Process sont avant tout des executations ou emulations ironiques du jeu vidéo. C’est-à-dire que ces réalisations sont drôles parce que ces algorithmes sont émulés avec des composants très différents des circuits imprimés. Mais encore plus ironiquement sera peut-être la réalisation effective de ce que ces réalisations produisent aujourd’hui de façon ironique; l’algorithmisation est de moins en moins le domaine des machines informatiques et concerne de plus en plus l’espace physique directement. On voit déjà cette transformation de corps humains en des composants algorithmiques dans les « Flash Mobs », comme on peut voir, par exemple, dans les travaux de groupes fédérés sur Internet comme Improv Anywhere.

cf. Invaders!, Space Invader