Lexique / capture

Douglas Edric Stanley

2002.09.22

Pour que les machines algorithmiques puissent agir sur le monde, elles doivent en permanence faire de la capture de celui-ci. Mais ironiquement, cette capture peut donner à la machine une connaissance finalement trop brute et aveugle de la chose qu’elle souhaite traiter, donnant une connaissance soit trop vague, soit trop myope sur l’objet à traiter. Mais dans un mouvement inverse, la perte de contrôle causée par ce flou peut se transformer en un intérêt pour la machine et introduire des subtilités analogiques dans son traitement discrétisé du monde.

Dans Photoshop (cf. tableau), par exemple, on rentre une image dans la machine en la transformant en un tableau de valeurs (ou plus précisément en un array linéaire coupé tous les n pixels pour former une image en deux dimensions). Chaque pixel contient quatre valeurs (si nous sommes en mode RVB) : entre 0-255 pour le rouge, 0-255 pour le vert, 0-255 pour le bleu, et 0-255 pour la transparence. Multiplions ces quatre valeurs par le nombre de pixels dans l’array et nous avons beaucoup de chiffres à enregistrer dans un fichier image. Une image complexe en résulte, avec énormément de nuances disponibles dans la figuration de l’image. A partir de cette numérisation, la machine peut traiter les valeurs de manière discrètes, ce qui donne à la machine une énorme puissance sur l’image. Mais avec cette puissance vient un point aveugle : Photoshop (cf. tableau) n’a aucune idée sur la forme des images à l’intérieur de cet array; pour lui ce n’est qu’une suite de chiffres. En faisant un télescopage dans n’importe quelle image pixelisée, nous voyons se dévoiler une variation chaotique à travers l’ensemble des valeurs colorimétries, où à l’intérieur de l’image d’un tapis rouge, par exemple, nous trouvons carrément des pixels verts, bleus, jaunes, etc. La richesse de ce chaos vient de la richesse des variations dans le monde qui est capturé, mais pris isolément ne forment que du bruit. Mélangés ensemble, ces pixels forment du rouge, mais uniquement pour nos yeux, la machine ne voit qu’un ensemble très divers de valeurs.

Bien sûr, avec des algorithmes de plus en plus sophistiqués, les ordinateurs sont plus en mesure de reconnaître des figures dans ce désordre. Aujourd’hui la robotique travaille principalement sur cette reconnaissance, par exemple. Mais ce qui dans le cas de Photoshop (cf. tableau) peut être considéré une limite, et une limite qui se minimise au fur et à mesure que les algorithmiques évoluent, peut à l’inverse devenir un avantage dans le cas de la capture analogique des mouvements du monde. Dans Flying Letters de John Maeda nous voyons une illustration très simple de ce concept, qui devient dans le cas du travail de Golan Levin (cf. Yellowtail et Audiovisual Environment Suite) un moyen simple mais puissant de capter et restituer des mouvements beaucoup plus complexes que les formes de base gérées par la génération purement programmatique (cf. record).