Bodmer Lab

2016.11.04

En novembre 2016 s’est tenu dans les murs de la Haute École d’Art et de Design de Genève un workshop d’une semaine autour des données de la collection Martin Bodmer numérisées par le Bodmer Lab.

Workshop: Bodmer Lab
Dates: 31 october - 4 november 2016
Leads: Cassandre Poirier-Simon & Douglas Edric Stanley
Bodmer Lab: Jérôme David, Michel Jeanneret, Radu Suciu, Matthieu Bernhardt, Devani Singh, Frédéric Tinguely, Christophe Imperiali
Students: Maël Bächtold, Nicolas Baldran, Megan Bonfils, Mathilde Buenerd, Coline Caillier, Adeline Casagranda, Mathias Hangartner, David Héritier, Maurane Hyppolite, Alexis Klink, Justine Lüdi, Mélissa Monnier, Simon Munoz, Júlia Racskó, Elsa Schneider, Mahé Soulier, Manon Schaefer
Departments: Master Media Design, Bachelor Communication visuelle
Institution: HEAD–Genève
Présentation: Le miroir d’encre, Kikk Festival 2016

L’idée consistait à soumettre des documents anciens à des étudiantes et des étudiants en communication visuelle et en media design, afin d’inscrire ce patrimoine dans des préoccupations de recherche autres que celles de l’histoire culturelle ou de la didactique. L’imagination scientifique devait croiser l’imagination artistique au fil d’une collaboration inédite.

Ce fut le cas, et les projets élaborés durant la semaine furent tous inattendus, cohérents et aptes à susciter de nouvelles pistes de réflexion. Parmi ceux-ci, deux se sont particulièrement distingués en raison de leur proximité directe avec les interrogations du Bodmer Lab et de leur degré d’aboutissement : le jeu Varietas de Bry et la « machine » éditoriale Ultimate Faust.

Ultimate Faust

Nicolas Baldran, Mathilde Buenerd, David Héritier

Processus. Le départ de notre travail est l’intérêt pour les aspects des livres qui ne sont pas, ou que partiellement, transmis par la numérisation. Le format, le poids, la texture ou l’odeur du livre ne sont expérimentables qu’en présence du volume en question. Comment, dès lors, évoquer ces aspects et redonner à la collection sa matérialité ? Le thème de Faust a retenu notre attention par son importance dans la Collection Bodmer. Le mythe du savant qui vend son âme au diable pour bénéficier d’un savoir plus grand nous a également paru représenter la quête de Martin Bodmer cherchant à créer la bibliothèque mondiale. Le grand nombre d’éditions du Faust de Goethe était une excellente occasion de travailler avec des contenus extrêmement diversifiés qui traitent d’un thème unique. Notre réponse au défi de communiquer la diversité et la matérialité de la collection s’incarne dans une nouvelle édition de Faust. Nous avons choisi d’extraire les éléments de livres numérisés, de les traiter et les injecter dans un programme, créé pour l’occasion, qui nous a permis d’en faire les pages de notre nouvelle édition.

UltimateFaust. Ce projet propose de présenter la Collection Bodmer au travers d’un ouvrage ultime. Puisant dans la longue liste des éditions du Faust de Goethe, il en reprend des éléments qui caractérisent chaque livre, au-delà du texte lui-même. Le mythe de Faust, cher à Martin Bodmer, raconte l’histoire d’un homme qui cherche à atteindre la connaissance universelle, au point de vendre son âme au Diable. De la même manière, ultimateFaust réunit les plus belles caractéristiques de chaque ouvrage et les fonde dans un seul volume. Ce projet représente la Biblioteca Bodmeriana dans sa variété et dans son ambition. Loin d’être une sage réinterprétation graphique d’un récit maintes fois édité, ultimateFaust cherche à transmettre les particularités des différents volumes qui le composent. Reprenant le texte de l’un, les illustrations d’un autre, la pagination d’un troisième ou les ornements d’un quatrième, il mêle tous ces éléments dans un objet complexe. Cet enchevêtrement de signes fait directement écho au Faust alchimiste de certaines versions du mythe. De support, le livre se transforme en objet intrigant, dont le texte n’est plus la seule raison d’être.

Les éléments d’un ouvrage se retrouvent dans ultimateFaust à la page et à l’échelle de l’original, sans redimensionnement. Sur chaque page, l’élément sélectionné est repris tel quel. Un cadre de la page 243 d’une édition anglo-américaine de 1887 figure à la page 243 d’ultimateFaust. Si le format du Faust de base est plus grand que le format du livre final, il y a un risque que l’élément sorte de la page. Un outil de génération d’ultimateFausts, développé pour le volume original, accompagne celui-ci et permet à l’utilisateur de créer son livre en piochant dans les éditions numérisées. En sélectionnant un certain nombre de critères (la provenance du texte de base ou des ornements, par exemple), l’utilisateur personnalise son ultimateFaust et expérimente la manière dont le volume-témoin s’est construit.

L’échappée de Bry

Nous voulons créer un jeu vidéo contemplatif basé sur l’exploration et la collection des oeuvres de Théo-dore de Bry. L’idée est que le joueur se retrouve plon-gé dans les diverses gravures associées aux récits des explorateurs de la renaissance. Il se retrouve ain-si face aux mêmes enjeux que ces derniers à leur époque : analyser et organiser le savoir de leur dé-couvertes, mais aussi intégrer et célébrer toutes les richesses de ces nouveaux mondes.

Des créatures et personnages se sont échappées de leur illustration d’origine pour se glisser dans des récits et voyages ne leur appartenant pas. Le but du jeu sera de collecter ces intrus, mais aussi d’explorer l’univers de De Bry. En effet, lorsque le joueur trouve un intru, non seulement il pourra le collecter dans son inventaire mais surtout il ouvre un passage vers une nouvelle gravure. On bascule alors dans un nouvel univers, celui de l’intru.
Le joueur a à sa disposition un inventaire qu’il pourra remplir de ses trouvailles. Ce qui lui permet également de savoir ce qui lui reste encore à découvrir.
Le joueur évolue alors dans un labyrinthe de gravures, tantôt linéaire, tantôt créant des boucles et embranchement multiples pour circuler entre les oeuvres.
Varietas de Bry est une interprétation interactive et ludique des ouvrages de Théodore de Bry.

Gyrophélès

La correspondence

La correspondance is a proposal for a series of postcards based on a 16th century correspondence describing a series disasters and mishaps during a perilous trip to the north pole. Each post card contains a section of the original text. Readers buy the entire story through a subscription service, which then sends out each section of the story synchronized to its original reception date. La correspondance therein reproduces the real-time effects of following a difficult journey over several months: accidents, animal attacks, medical emergencies, mutilation, mutiny, survival and/or death.

The Web

Beginning with « The Spider and the Flie », John Heywood, 1556. Many detailed illustrations with very small changes. Big book – folio: 96,5*63,5 cm. illustrations around 50 cm. Small characters, tiny details.

We decided to explore the illustrations. How to divide and then reunite the book between the physical and digital dispositifs? We decided to « re/draw » the illustrations using a conductive thread, which connects a series of dots. Connecting a dot in the circuit activates a smartphone which reads the next chapter of an audiobook. This way the reader can experience the same patience that the author and the illustrator had to have in order to complete the book.

Voyage vers le nord

Par rapport au Bodmer Lab, nous avons choisi le récit de Gerrit de Veer (livre de Théodore de Bry, avec gravures), « Voyage vers le Nord ». Ce livre du XVIe siècle a été numérisé par le Bodmer Lab et est disponible en ligne. Nous avons voulu rendre accessible les livres numérisés aux enfants, avec un récit simplifié et un graphisme efficace.

Cette aventure, c’est l’histoire d’un équipage hollandais qui tente pour la troisième fois d’ouvrir une voie par le Nord pour rejoindre les Indes Orientales. Ils se retrouveront coincés par les glaces au nord de la Russie et finiront par passer plusieurs mois sur une île; Nova Zembla. L’échec est rude, ils doivent rentrés en chaloupe jusqu’au Pays-Bas. Le récit raconte ce voyage jusqu’à l’île et le retour.
Avec notre application, nous avons créé un complément d’histoire, qui n’est pas un jeu, où le récit de l’équipage est raconté avec des animations et des résumés de texte. Nous nous sommes basées sur les 13 gravures de Théodore de Bry et en avons fait des étapes de récit, du départ d’Amsterdam jusqu’au retour.

Le récit découpé en 13 actes :
Il était une fois, l’histoire incroyable de Gerrit de Veer, explorateur de nouveaux mondes et de ses compagnons. Il a été matelot à bord du navire Hollandais qui tenta d’ouvrir une voie par le Nord pour rejoindre les Indes Orientales en 1596. C’est la troisième tentative d’une telle exploration.

  1. J’embarquais à bord d’un navire hollandais qui allait ouvrir une voie par le Nord pour rejoindre les Indes Orientales. Nous partons d’Amsterdam, le 4 juin 1596, guidé par le Capitaine Barents. Nous voyagerons quelques temps avec un deuxième navire, qui partira de son côté.
  2. A cause du froid et de la glace, notre bateau se retrouve coincé et ne peut plus avancer. Les matelots remorquent le navire avec des chaloupes, à travers la glace. Pendant ce temps, un ours menace et attaque un groupe d’homme. Alors qu’ils se font presque manger, nous tuons l’ours.
  3. La glace emprisonne à nouveau le navire. Les matelots mettent des tonneaux sous le bateau pour le remettre à flots.
  4. Notre équipage accoste finalement sur l’île de Nouvelle Zemble, au dessus de la Russie. Nous rassemblons ensuite du bois pour construire notre habitation. Les ours menacent de nous attaquer mais nous les tuons de nos arquebuses et mousquets.
  5. Avec l’hiver rude et glacial qui paralyse tous nos mouvements, le moral des troupes est au plus bas. En cette période la plus froide de l’année, nous nous rendons à l’évidence: nous n’arriverons jamais à rejoindre les Indes Orientales.
  6. Afin d’hiverner, nous nous mettons à construire une cabane grande et spacieuse, avec des pièges à renards autour. Nous fabriquons des traineaux pour ramener du bois.
  7. Plus tard, nous nous se faisons attaquer par des ours en construisant notre maison et l’un des compagnon se retrouve à terre, défendu par deux autres et nous finissons par tuer l’ours.
  8. Après ces pénibles et interminables mois, nous prenons notre courage à deux mains et nous décidons de sortir les chaloupes de la glace, pour tenter un voyage de retour en Hollande.
  9. Pour pouvoir mettre les chaloupes à l’eau, nous devons d’abord dégager une voix de 300 lieues de long, que nous créons à coup de pioche. Nous sommes épuisés.
  10. Après plusieurs jours en mer, avec les bateaux chargés de vivres, nous décidons de nous arrêter pour la nuit sur la « glace ferme » et installons des bâches sur les chaloupes pour en faire des tentes. Au milieu de la nuit, un ours s’approche et tente de nous dérober de la nourriture et nous finissons par le tuer. Il se fera manger par ses congénères.
  11. Quelques mois après être reparti en mer, avec soulagement, nous rencontrons enfin un autre équipage, russe, qui nous remonte le moral et nous redonne espoirs. Ils nous donnent généreusement de nouveau vivres pour continuer notre voyage de retour, contre quelques pièces d’argent.
  12. Alors que nous pensions le capitaine du premier navire mort ou perdu en mer, nous le croisons sur leur route. Ereintés et affaiblis, nous nous faisons rapatriés sur le navire. Sauvés, nous faisons route en toute sécurité vers notre patrie. Notre équipage rentra avec 12 matelots, au mois de septembre 1597. L’équipage comptait 17 matelots au départ.
  13. Nous auront parcouru au total 2’800 km, en passant par la Moscovie et en longeant la Scandinavie sur une durée de 16 mois en chaloupe, sans jamais pouvoir rejoindre les Indes. Les gravures originales sont réalisées par Théodore de Bry en 1598 et sont parues dans le livre « India Orientalis III (Petits voyages, vol.3) - Discours de la troisième navigation faite par le Nord, vers les Royaumes de Cathay et de China, en l’an de 1596, in Vray description des trois voyages de mers très admirables faits en trois ans. » (Edité à Amsterdam) L’auteur des textes est Gerrit de Veer lui-même.