Lexique / piège

Douglas Edric Stanley

1997.10.16

Dans Une Histoire de l’informatique, Phillipe Breton suggère comme une des origines de l’informatique, le piège :

« Le prototype de l’automatisme est sans doute le piège inventé par le chasseur primitif, las de courir après l’animal et de s’exposer à ses attaques meurtrières. En quoi le piège est-il un automatisme ? Le trou creusé sur le chemin qu’emprunte l’animal pour aller boire, tapissé de pieux effilés et recouvert de feuillage, dispense le chasseur d’être présent - sinon comme constructeur - et fonctionne de lui-même, jusqu’à la capture de l’animal » — Editions Du Seuil, 1990, p.22

Mais si le piège est un bon candidat pour l’introduction de l’automatisme dans l’histoire de l’humanité, il l’est également pour l’invention de l’interactivité humain-machine. Le piège ne fonctionne pas sans l’autre. Et il va jusqu’à renverser la formule en n’ attendant précisément que ce qu’il ne peut pas connaître d’avance. Le piège attend l’autre sans visage, et c’est son seul univers de connaissance. Même s’il a été construit pour capter des animaux, il est prêt à capter tout ce qui possède les bonnes propriétés pour le déclencher, même celui qui l’a fabriqué. Le piège construit alors une poche dans le monde, et attend que le monde vienne la remplir. Automatisme (fonctionner sans l’autre) et invagination (ne fonctionner qu’en présence de l’autre), voici deux facteurs clés de l’interactivité informatique. Et même si nous ne pouvons pas savoir si celui que nous voulons piéger est notre véritable proie, l’essentiel du piège n’est en fait que de bien piéger. L’autre versant de la logique du piège, annoncé par Paul Virilio, serait celle de l’engin téléguidé, c’est-à-dire le moteur auto-guidé qui n’a aucune connaissance de ce sur quoi il tire. On serait d’accord pour laisser entrer ce terme dans notre définition de l’interactivité, mais on voit mal comment cette approche et cette attente de l’autre sans visage différerait ontologiquement de notre existence en tant qu’êtres bien vivants et dotés de subjectivité.

cf. approche, invagination, reflet, programme