Red vs. Blue

2003.01.01

Grâce à la réversibilité du programme informatique, un jeu vidéo peut aussi être un logiciel. Un jeu informatique est un programme comme un autre, et la jouabilité finira fatalement par dévoiler cet aspect programmé de toute entité informatique. Elle ouvre l’objet sur une variabilité ontologique. Pour démontrer ce principe, on pourrait revenir sur les célèbres exploits de joueurs de jeux vidéo qui, par le biais du seul joystick, réussissent à faire planter le programmer et à transformer Pacman, par exemple, en logiciel de dessin. Mais, de tous ces exemples, celui de la série Red vs. Blue parle encore plus directement de ce détournement, de ce rappel du fond logiciel logé dans chaque jeu vidéo et qui l’ouvre à de multiples fins. C’est même le signe qu’une nouvelle stratégie artistique est actuellement en gestation.

Red vs. Blue est une série téléchargeable sur internet, une sorte de pièce de théâtre enregistrée comme on a pu en faire à la télévision dans les années 1960, sauf que la « scène » se passe matériellement à l’intérieur d’un jeu vidéo — Halo — joué sur un Xbox. Chaque personnage est joué par un marionnettiste en réseau, qui anime son personnage avec un joystick. Dans l’histoire, les personnages se trouvent à l’intérieur d’un jeu de combat violent entre deux parties, mais passent finalement leur temps à discuter de tout, sauf de la réussite du combat. Au lieu de jouer, ils glandent et se plaignent de leur sort. De la métaphysique à comment enlever sa combinaison pour pisser, tout y passe. Mimant des répliques sorties tout droit d’une pièce de Beckett — « Ta combinaison est rose », « mais non, elle est rouge clair », « exactement, elle est rose » —, on assiste à un En attendant Godot tourné à l’intérieur d’une console qu’on aurait pu considérer fermée (Xbox) et d’un jeu qu’on aurait pu qualifier de préprogrammé (Halo).

— Ok, gargantuan alien, now that we have decided to keep you, you need a real name. I vote for Fluffy.
— Fluffy?
— Fluffy the alien that only loves!
— He’s got to have a name. Why don’t we just ask him? Hey alien dude, what’s your name? Nnnnaaaammmmeee. I aaaammm Tucker. This is Church. That’s Bitchpants McCrabby.
— Hey!
— Well that’s what we call you.
— Not me. I call you Mrs. McCrabby.
— Thanks.
— What… is… your… name?
— Hhhhhuuuunnnnkkkk hhhuuuunnnkkk.
— Your… name…
— Hhhhhuuuunnnnkkkk hhhuuuunnnkkk.
— Nnnnaaaammmmmeeee.
— Just keep repeating it Church. I’m sure he’ll just come up with the right definition on his own.
— He… is… Tucker. Tuuuuccckkkeeerrr. You are…?
— Hhhhhuuuunnnnkkkk hhhuuuunnnkkk.
— No no. Not Honk Honk. Name.
— Hhhhhuuuunnnnkkkk hhhuuuunnnkkk.
— Ok, I give up. All this guy says is Honk Honk?
— Well have you ever considered the fact that his name is Honk Honk.
— Blarrrg.
— Do you have any idea how stupid that sounds?
— I mean, seriously, what kind of name is Honk Honk?
— Blarrrg.
— Hey, big alien, is your name Honk Honk?
— Blarg.
— Hey wait a minute, I think Blarrg means Yes.
— Alien, does Blarg mean Yes?
— Blarg.
— Holy Shit! Blarg means Yes. He said Yes. Blarg means Yes. I speak alien!
— Yeah… unless Blarg means No. In which case, he just said No. Blarg does not mean Yes.
— What!? No way. Hey alien, am I right?
— Blarg.
— Ha ha! see? What the fuck do you know?
– Burnie Burns, Matt Hullum ; Red vs. Blue: The Blood Gulch Chronicles ; 2003