Dans l’image calculée, celle-ci nous revient en permanence un revenant. C’était déjà le cas du cinéma, mais pour de toutes autres raisons. Le revenant, dans le cinéma classique, signalait le retour d’une inquiétante étrangeté, le retour du vivant embaumé sur la surface de la pellicule — le punctum de Roland Barthes (cf. La chambre claire). Mais le revenant, dans le cinéma algorithmique, vient via le constructeur de l’image — le processeur — et sa nécessité de traiter la prochaine opération à partir de la précédente. Du coup il serait peut-être plus apte de qualifier cette revenance de mort-vivant, de monstre, voire d’agrégat de cadavres, comme dans le célèbre roman de Mary Shelley. Dans la logique cyclique d’un processeur qui revient en permanence (des milliers de fois par seconde) à lui-même, l’image-mouvement cher à Deleuze devient l’image-monstre : une image qui doit se battre pour maintenir chacun de ses pixels dans la mémoire via le processeur et donc sur l’écran. Ses membres peuvent se dégrader, il peut perdre sa jambe, son bras, avoir des trous, mais la zombie continue à se mouvoir, à grimper encore. C’est l’éternel retour de l’image, mais en morceaux, qui construit cette nouvelle esthétique. Aujourd’hui nous connaissons bien cette esthétique par le hoquet dont souffre l’image sur une ordinateur de faible puissance face à des algorithmes de décompression de plus en plus complexes : une image reste en puissance à l’intérieur de toutes les autres images, elle résiste à laisser sa place pour les prochains pixels. Les prochaines images ne sont jamais complètes et se maintiennent les unes par les autres, les unes à l’intérieur des autres, pour former la figure. Demain ce hoquet se transformera en une générativité volontaire de l’image sur le plan moléculaire, et les images pousseront directement à l’intérieur ce retour éternelle de l’image à l’intérieur d’elle-même.